PRESSE

Ateliers théâtre forum avec les clubs de foot et de rugby romanais

Autour de la journée de rencontre de l’éduc’ pop’ pour lutter contre les discriminations

 

à écouter

Radio Royans Vercors, partenaire de l’événément, a réalisé une captation de la table ronde « comprendre et lutter contre les stigmatisations des quartiers populaires » : vous pouvez écouter cet échange passionnant et renforçant ICI.

En écoute ICI également le podcast réalisé par les AllumeuR.E.S et les jeunes habitant-es du quartier de la Monnaie, diffusé samedi matin à la Maison Citoyenne Noël Guichard. Et découvrir leur projet « par ici la Monnaie » : installation sonore et visuelle, anti-musée et podcast : https://paricilamonnaie.org

L’exposition « Battre le pavé des rues contre le racisme et pour l’égalité des droits » est visible à la Maison de Quartier Saint-Nicolas lors de cet événement et jusque mi-décembre.

 

Reportage de Maïté Darnault pour le journal Libération

https://www.liberation.fr/societe/un-an-apres-la-mort-de-thomas-a-crepol-des-habitants-de-romans-sur-isere-sengagent-pour-prendre-du-recul-sur-les-stereotypes-racistes-20241130_ROPQZ7ZCTRB5THOJENCJPMM4A4/

 

Un an après la mort de Thomas à Crépol, des habitants de Romans-sur-Isère s’engagent «pour prendre du recul sur les stéréotypes racistes»

Ateliers, conférences, interventions… Professeurs et acteurs de la vie sociale et culturelle œuvrent pour recréer du lien dans une population marquée par plusieurs morts violentes dans la région ces derniers mois, après celle de Thomas Perotto, instrumentalisée par l’extrême droite.

Romans-sur-Isère le 22 novembre 2024.Isabelle Coutant, sociologue et Yvon Atonga, frère de Wilfrid, tué en 2016 à Goussainville, auteurs du livre Petit frère, comprendre les destinée familiales, lors d’une rencontre avec des élèves du collège Lapassat. (Bruno Amsellem/Libération)

Elle se présente comme «une historienne du temps présent». Lui, comme un rescapé des «embrouilles du quartier», qui a su «prendre de la distance avec la rue, aller à la bibliothèque, faire plus [ses] devoirs». Isabelle Coutant est sociologue au CNRS ; Yvon Atonga, cadre à la SNCF et responsable associatif. A quatre mains, ils ont écrit le livre Petit Frère, pour retracer la trajectoire tragique de Wilfried Atonga, le cadet d’Yvon abattu à 36 ans lors d’un règlement de comptes. Un récit d’assignation sociale, de violence et de deuil, qu’ils ont présenté vendredi 22 novembre à deux classes de 4e du collège Lapassat de Romans-sur-Isère. Ces élèves ont vécu aux premières loges les drames qui ont marqué l’année passée cette cité ouvrière de la Drôme (33 000 habitants).

Classé REP, lelapast pour certains de peines de prison ferme.

Depuis la mi-octobre, un nouveau collectif d’extrême droite, Justice pour les nôtres, a inondé de tracts Romans-sur-Isère, appelant à une marche commémorative ce samedi 30 novembre. Afin de surfer sur un nouvel enterrement, celui de Nicolas Dumas, rugbyman du même club que Thomas Perotto, fauché le 1er novembre par une balle perdue en Ardèche. Au printemps, une autre mort avait suscité moins d’engouement cathodique : le 9 avril, Zakaria, 16 ans lui aussi, avait succombé à des blessures à l’arme blanche, après avoir tenté d’apaiser une altercation à la Monnaie. L’année précédente, il était scolarisé en 3e à Lapassat.

 

Réponse collective et éclairée

Au collège, une cellule d’écoute a été mise en place après son décès. L’équipe pédagogique comme les jeunes ont «été très impactés», témoigne sa principale, Agnès Vincent. «Le fils d’une enseignante était au bal et a pris un coup de couteau, des élèves ont assisté à la manifestation d’extrême droite puis aux descentes de police dans le quartier, deux élèves ont eu leurs frères incarcérés… Des enseignants ont réagi en se demandant ce qu’on avait loupé, comment on en était arrivés là, retrace la cheffe d’établissement. Ça a été assez compliqué, une période de doute.»

Pour les balayer et contenir les peurs, donner corps à une réponse collective et éclairée est devenu le leitmotiv d’une partie de la communauté éducative à Romans-sur-Isère, à l’école et parmi les acteurs de l’éducation populaire. La rencontre avec Isabelle Coutant et Yvon Atonga est l’un de ces cailloux posés sur le chemin de «gamins qui ont très peu d’ouverture culturelle à la maison», note Kevin Maubert, professeur de français au collège, qui accueille «un tiers d’élèves venant du quartier et le reste des villages autour». «Au quotidien, il y a un brassage mais ils restent quand même les uns à côté des autres, observe Agnès Vincent. On constate un désintérêt pour les apprentissages, les enseignants ont mis en place une prise en charge du travail personnel pour les raccrocher, pour éviter qu’ils capitulent.»

 

«Il faut faire le lien»

Des projets théâtraux et musicaux ont été développés en lien avec d’autres établissements de Romans. «Il y a plein de choses à faire, la volonté est là mais il faut du temps et des moyens. On a fait un choix par rapport au choc des savoirs, on ne l’a pas appliqué et ça marche bien, explique-t-elle. Si on fait des groupes de niveaux, on va diviser encore plus ceux du quartier parmi les plus faibles et ceux des villages qui sont les plus forts.» «On n’a que des élèves, pas des élèves d’ici ou de là-bas», abonde Régis Roussillon, qui enseigne les sciences économiques et sociales au lycée du Dauphiné, où était scolarisé Thomas Perotto.

Il est l’un des piliers du collectif Mobilisons l’intelligence collective, créé en février pour «déconstruire le discours ambiant» car «l’explication ne peut pas être simpliste». «Aujourd’hui, les jeunes prennent une posture mais ont du mal à accepter la parole de l’autre, à développer les débats, observe le poète et chanteur Otimani, qui a animé des séances de slam auprès des lycéens. Délier les langues, le job est là. Il faut faire le lien, être des pincements pour entendre leur vraie parole.» Régis Roussillon reste frappé par les semaines qui ont suivi le bal de Crépol : «Tout d’un coup, les élèves ne levaient plus la main, ne travaillaient plus ensemble. Il y avait un tel silence que je n’avais plus de groupe, tous étaient renvoyés à l’identité d’un groupe supposé, du village ou du quartier.»

Sa collègue Audrey Pedoussaut, prof d’économie et de droit, a dû faire face à «des élèves très touchés, beaucoup d’amis de Thomas», mais aussi à «des retours d’élèves d’origine maghrébine qui craignaient de se rendre au lycée, de prendre le bus car ils se faisaient prendre à partie par d’autres usagers des transports publics». L’équipe enseignante a décidé de lire en classe «une déclaration appelant à la raison et à faire confiance à la justice pour apaiser les tensions». «On a brisé un tabou et on a pu commencer à mettre en place des rencontres», retrace Régis Roussillon. Des conférences sur la citoyenneté ont été organisées et des pièces de théâtre ont servi de support pour aborder «l’histoire des bandes, les questions de masculinité, de ruralité, de désindustrialisation, le sentiment de déclassement vécu autant dans les campagnes que dans les quartiers périphériques».

 

«Ce n’est pas acceptable d’entendre parler de crépolisation»

Clémence Emprin, salariée de l’Ebullition, une association d’éducation populaire qui lutte contre les discriminations, s’est également attachée à «faire exister des espaces pour prendre du recul sur les stéréotypes racistes». Alors elle a poussé la porte du club de rugby de Thomas, le RCRP, et du club de foot, la PS Romans, pour échanger sur les pratiques éducatives et «identifier les situations problématiques», en réunissant des entraîneurs puis des joueurs. Depuis la rentrée, elle anime des ateliers «de renforcement contre le racisme et la banalisation des idées d’extrême droite» ouverts à tout public. Son outil : le théâtre forum, où les participants sont invités à rejouer des scènes quotidiennes pour oser prendre la parole, trouver des reparties à des propos agressifs et discriminants.

«Notre territoire fait symbole, ce n’est pas acceptable d’entendre parler de crépolisation, il est urgent d’entendre d’autres voix, d’autres points de vue», souligne Clémence Emprin, qui a coordonné les «rencontres contre les discriminations» organisées le 23 novembre par le réseau d’éducation populaire de Romans-sur-Isère. Ce moment «très intense, revigorant», dixit Régis Roussillon, a réuni près de 300 personnes – habitants des différents quartiers, artistes, lycéens, associations et professionnels – autour d’une installation artistique devant la Maison citoyenne de la Monnaie, un atelier de théâtre forum à Saint-Nicolas, autre secteur prioritaire, et une lecture de témoignages de Romanais, avant la tenue d’une table ronde avec le sociologue Marwan Mohammed, spécialiste des rivalités de quartier, la politologue Valérie Sala-Pala, Isabelle Coutant et Yvon Atonga.

«Autant de manières de faire du commun et de lutter contre la stigmatisation des quartiers populaires», estime Clémence Emprin. Durant cette journée, les chercheurs invités «ont allumé des lumières», salue Nor El Houda Boukhari, directrice de la Maison citoyenne de la Monnaie. A Romans, la part allouée à l’éducation populaire ne représente que 0,75 % du budget total de la municipalité, qui vient d’annoncer une baisse de financement, encore indéterminée, aux trois centres sociaux pilotés par des associations. «Les maisons de quartier réinjectent de la richesse, ça risque d’impacter la vie sociale, la vie politique au sens premier du terme. On est une soupape, on déconstruit la colère des gens et on reconstruit avec eux du pouvoir d’agir, pour fédérer les intelligences et accompagner les jeunes, plaide la responsable. Sans nous, le lien social va finir d’exploser.»

 

Revirement

Un an après la mort de Thomas à Crépol, deux manifestations finalement autorisées à Romans-sur-Isère

La justice administrative a finalement donné son feu vert à deux manifestations dans la ville drômoise ce samedi 30 novembre, l’une à l’initiative d’un groupuscule d’extrême droite, l’autre à l’appel d’associations locales.

Lors d’une marche blanche en hommage à Thomas Perotto, le 22 novembre 2023 à Romans-sur-Isère. (Olivier Chassignole/AFP)

Deux victoires devant la justice administrative, pour deux manifestations qui se tiendront chacune d’un côté de la ville. Ce samedi 30 novembre, à Romans-sur-Isère, un rassemblement d’un nouveau groupuscule d’extrême droite, Justice pour les nôtres, se tiendra à 15 heures place Ernest-Gailly, dans le centre-ville ancien, tandis qu’un «cortège pacifique» démarrera à 14 heures de la place Hector-Berlioz, dans le quartier populaire de la Monnaie, à l’appel d’une vingtaine d’associations locales et d’organisations de gauche. La tenue des deux événements avait été interdite en début de semaine par la préfecture de la Drôme, avant que le tribunal administratif de Grenoble ne tranche ce 29 novembre en faveur des référés liberté déposés par chaque camp afin de faire annuler les arrêtés des services de l’Etat.

Ces derniers craignent des «troubles importants» à l’ordre public et «des affrontements idéologiques à Romans-sur-Isère, Bourg-de-Péage, Crépol et Valence le 30 novembre», dans la lignée de la descente de militants radicaux d’extrême droite du 25 novembre 2023, dont certains étaient parvenus à atteindre la Monnaie, en périphérie de la cité ouvrière de 33 000 habitants. Pour faire bonne figure, le préfet a également vilipendé la contre-manifestation annoncée le 20 novembre, présumant qu’elle serait le fait d’«organisations d’ultragauche […] violentes», promptes à «inciter les jeunes de quartier» à «en découdre avec la police et les manifestants d’ultra-droite».

 

Militant néofasciste

C’est pourtant bien Justice pour les nôtres qui a dégainé en premier à la mi-octobre, en prétextant honorer «la mémoire de nos victimes» et «protéger notre peuple de l’immigration» pour inonder Romans-sur-Isère de tracts, à l’approche de la commémoration du premier anniversaire de la mort de Thomas Perotto tué à Crépol (Drôme) et après le meurtre en Ardèche d’un autre jeune Romanais, Nicolas Dumas. Derrière ce collectif, on retrouve (uniquement ?) un certain Raphaël Ayma, de son vrai nom Rafaël Ferron Lagier, 22 ans, originaire du bourg de Pourrières, à l’est d’Aix-en-Provence, dans le Var. Ce militant néofasciste se présente comme le «porte-parole» de Tenesoun («le maintien», en provençal), un mouvement radical aixois héritier du Bastion social, dissous en 2019 car «raciste et antisémite», avait déclaré le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner.

Auditeur au racialiste «institut» Iliade, un organe de formation identitaire, conférencier débutant dans la mouvance radicale, Raphaël Ayma a sympathisé l’année dernière avec un cercle néonazi et négationniste espagnol et n’hésite pas à arborer l’insigne de CasaPound, mouvement héritier du fascisme italien. Une sorte de CV de l’europhilie du pire qui ne l’a pas gêné pour se rapprocher de la branche jeunesse du Rassemblement national, finissant même par se faire embaucher en tant qu’assistant parlementaire du député RN du Var Philippe Schreck, le référent de la commission des lois au sein du parti. Lequel l’a immédiatement licencié suite aux révélations de Libération sur ses fréquentations gênantes pour l’état-major lepéniste dans sa quête laborieuse de respectabilité.

 

Autoentrepreneur en «relations publiques»

«Suite à l’attaque médiatique et mensongère à mon égard, je suis licencié. Faites-moi confiance pour continuer mon engagement, pour les nôtres et pour ce pays. Seul [sic] compte la sincérité», avait alors pesté l’ancien stagiaire (du RN) à l’Assemblée nationale sur les réseaux sociaux, où il multiplie les saillies en faveur de «l’autochtonat des populations européennes» et contre «le grand remplacement et le grand effacement». Passé par une formation en sciences politiques, il est opportunément devenu autoentrepreneur en «conseil en relations publiques et communication» à quelques jours des élections européennes de juin.

Sur le site des intégristes identitaires d’Academia Christiana, sa biographie indique que ce «fils d’ouvrier et de torero», «franco-espagnol», expert autoproclamé du «phénomène écologiste au sein de la jeunesse» est un «ancien militant du parti communiste puis gilet jaune». Désormais, il fait la navette depuis le Var pour doper sa surface médiatique à la faveur du drame de Crépol.

 

Rassemblement du 30 novembre contre la récupération raciste de l’actualité

Lien vers la revue de presse contre la récupération de l’évènement de Crépol par
l’extrême-droite et contre la stigmatisation des habitant.e.s de la Monnaie

https://tinyurl.com/romansriposte

 

A écouter ici : le zoom de France Inter du lundi 18 novembre 2024

 

 

 

 


 

Communiqué de presse de l’inter-organisation de la manifestation du 30 novembre